Qui sont les nouveaux agriculteurs ?

Qui sont les femmes et les hommes qui s’installent aujourd’hui en agriculture sans en être issus ? Cinq études financées par le ministère de l’Agriculture tentent d’apporter des éléments concrets. Présentées le 10 juin à Paris, ces recherches donnent à voir la diversité des parcours, des motivations et des projets des néo-agriculteurs, mais aussi les défis spécifiques qu’ils rencontrent. Depuis plusieurs décennies, une part croissante des nouveaux installés ne vient pas du milieu agricole. Pourtant, faute de données précises, leur profil reste flou et difficilement pris en compte dans les politiques publiques. Le ministère a lancé fin 2023 un appel à projets de recherche pour combler cette lacune. Résultat : cinq équipes ont été retenues pour analyser ces trajectoires atypiques.

L’étude AgriNovo, conduite par Caroline Mazaud (ESA Angers), s’est appuyée sur une vaste enquête auprès de plus de 29 000 exploitants installés en 2018 ou 2022. Elle distingue quatre grands profils, du « reconverti des classes supérieures » à l’« héritier bien préparé », en passant par des profils hybrides. Une première typologie nationale des nouveaux actifs agricoles.

D’autres études se sont concentrées sur des territoires spécifiques. C’est le cas de RenouvAgri, menée dans le Morvan par Daniele Inda (Inrae), qui montre que certains nouveaux agriculteurs placent la protection de la biodiversité au cœur de leur projet, en rupture avec les logiques de production dominantes. Cette différence de vision crée parfois des clivages au sein du monde agricole, entre installés « de souche » et nouveaux venus.

Adeline Bouvard (INP Purpan), dans l’étude Trajectoires, a interrogé 32 personnes dans le Quercy. Elle montre comment ces néo-agriculteurs mobilisent leurs expériences passées – dans l’enseignement, le commerce ou le secteur associatif – pour inventer des modèles d’exploitation souvent éloignés des standards productivistes.

Mais certaines convergences existent. AgriTempo, sous la direction de Simon Paye (Université de Lorraine), révèle que tous les agriculteurs, quelle que soit leur origine, sont confrontés à une forte emprise du travail sur leur quotidien. Les différences dans l’organisation du temps de travail tiennent plus souvent au genre ou au niveau de diplôme qu’à l’origine sociale.

Enfin, AgriDinamo, portée par Geneviève Nguyen (INP Toulouse), analyse les profils de ces nouveaux actifs dans le sud de la France. Elle montre qu’ils participent, comme les autres, à l’évolution des formes d’organisation des exploitations, en intégrant parfois des logiques entrepreneuriales nouvelles.

Ces travaux ouvrent des pistes pour mieux adapter les politiques publiques aux besoins des néo-agriculteurs. Selon la ministre de l’Agriculture Annie Genevard, ils « illustrent la diversité des profils qui composent aujourd’hui le monde agricole » et permettront « une action publique plus efficace en faveur du renouvellement des générations ». Mais ils posent aussi une question plus large : quel modèle agricole ces nouveaux venus contribuent-ils à façonner ?